Les spécialistes voyaient Zoug et Genève terminer dans le top-3, deuxième et troisième respectivement, derrière Zürich. Ce n’est donc pas très surprenant de retrouver ces équipes à ce stade de la compétition. Ce qui l’est plus, c’est de voir que Genève a gagné ses sept derniers matchs mais aussi d’avoir vu Zoug en difficulté face à Berne. Pour les Zougois, ils ont remporté leur demi-finale 3-1 grâce à une victoire 6-3 au dernier match.
Mais attention aux trompe-l’œil car en réalité Genève comme Zoug ont été accrochés en demi-finales. L’EVZ termine sa série au coude à coude avec Rapperswil-Jona avec 13 Expected Goals à 12, mais 17 buts à 8 grâce au talent de ses attaquants et à un Genoni solide. Genève a connu autant de réussite face à Zürich, malgré une série à 7 Expected goals partout, Manzato (et Waeber) ont poussé le total des buts à 10-3 pour les Grenats.
Le jeu à 5c5
Préparez-vous à une quête de la perfection défensive car cette série se jouera dans le slot, et ce sera à qui fait le moins d’erreurs.
Nul besoin de présenter de nouveau l’attaque de Zoug cette saison et l’importance donnée à la qualité des chances au lieu de leur quantité. Seulement 6ème de la ligue pour les tirs tentés par 60 minutes, Zoug était premier aux Expected Goals créés. Un regard à leur heatmap ci-dessus suffit pour voir à quel point Zoug cherche à entrer dans le slot et s’offrir les chances les plus dangereuses possibles, au lieu de tirer à tout va. Une statistique illustre cet engagement en particulier : la façon dont Zoug gère ses rushs. L’équipe était seulement 10ème pour la proportion des tirs venant de rushs (24.4%), mais se classait 2ème pour les chances de marquer créées en rushs ! Concrètement, sur un rush de Zoug, ne vous attendez pas à voir un tir à l’extérieur des cercles, mais plus probablement à un jeu de passes à l’intérieur du slot.
Mais cela pourrait jouer en faveur de la défense du GSHC, qui défend très bien contre ces passes vers le slot (“high-danger passes”) cette saison (2ème pour le nombre de passes tentées par l’adversaire par 60 minutes), pressant le porteur du palet pour lui couper toutes solutions. Attention tout de même, si le porteur du palet réussit à faire sa passe, Genève a tendance à laisser un boulevard pour s’être trop commis sans couvrir ses arrières. Avec le talent individuel des attaquants zougois, cela peut se révéler dangereux. Tout comme Genève a eu du mal à protéger les abords immédiats de sa cage (voir la heatmap), il faudra se montrer encore plus consciencieux qu’à l’habitude… c’est la finale.
De l’autre côté, c’est presque la même chose. Comme Zoug, Genève n’est pas du genre à produire un gros volume de tirs. Elle est une des équipes de la Ligue qui génère le moins de chances en rush. En zone offensive, le GSHC crée également plutôt ses chances via des high-danger passes. Elle est la deuxième équipe à en tenter le plus, mais elle est surtout celle qui voit la plus grande partie de ces passes aboutir sur la palette d’un coéquipier.
Et, comme Genève, Zoug défend particulièrement bien contre ce type de jeux. Comme si une défense apprenait de sa propre attaque… Mais contrairement au GSHC, Zoug parvenait cette saison à défendre proprement les abords de sa cage (voir la heatmap ci-dessus). Mais Rapperswil-Jona a montré qu’il était possible de contourner la défense zougoise, marquant 6 de leurs 8 buts de la série via ces high-danger passes.
Dans cette partie d’échec, la clé devrait donc être non seulement combien de fois chaque équipe pourra prendre en défaut la défense adverse, mais aussi quel gardien pourra en donner un peu plus à ses coéquipiers. Et dans ce domaine, les deux titulaires sont en feu.
Si la série contre Rapperswil-Jona a paru compliquée, c’est surtout que les matchs ont mis du temps à se décanter. Mais dans les cages zougoise, Leonardo Genoni veillait au grain. En 4 matchs, il a encaissé 3.7 buts de moins qu’anticipé, affichant un solide Shot control de 72% (la moyenne de la ligue est à 66%). Il ne s’est fait surprendre donc que par des high-danger passes et plusieurs jeux venant de derrière la cage.
Daniel Manzato est, lui, carrément sur un nuage. Oui, il est très solide avec un Shot control de 75%, mais tout semble rouler en sa faveur, et en ce qui concerne les gardiens au hockey, chaque seconde rapproche du moment où la réalité rattrapera le cerbère. Car personne ne peut garder un Save% de 96.1% éternellement, ni sauver plus d’un but par match. Nous avons parlé des bulles qui ont explosé pour Waeber et Nyffeler lors de ces demies-finale, espérons pour Genève que Manzato gère la sienne le plus longtemps possible.
Situations spéciales
Que ce soit sur les infériorités numériques ou les supériorités numériques, les deux équipes font partie des meilleures de la Ligue, tant en playoffs qu’en saison régulière, mais Genève possède les meilleurs résultats comptables.
En infériorité numérique, les deux équipes allouent moins de buts, de tirs et de chances que durant la saison régulière. Les gardiens ne sont également pas en reste avec des pourcentages d’arrêts plus élevés qu’en saison. La moyenne de la Ligue dans cet exercice ? 88.8%. Avec des pourcentages d’arrêts en-dessus de 92% pour Zoug et 94% pour Genève, les gardiens sont décisifs.
Pour Genève, comme nous l’avions dit pour sa série face à Zürich, Descloux est probablement leur meilleur joueur dans cette situation et probablement le meilleur gardien de la Ligue sur les trois dernières saisons, avec un pourcentage d’arrêt de 92.21%. À titre de comparaison, sur la même période, Genoni possède un SV% de 87.28%, Berra de 88.86%, Stephan de 88.79%, Manzato de 85.96% et Waeber de 89.01%. Une différence énorme qui permet à Genève de figurer dans les meilleures équipes de la Ligue dans l’exercice.
Si en infériorité numérique les équipes possèdent des chiffres et une heatmap plutôt similaires, en supériorité numérique, on voit qu’il y a une différence dans l’approche.
Du côté de Zoug, difficile d’y voir un pattern clair sur la heatmap. On varie beaucoup les jeux, utilisant Hofmann ou Kovar tant sur leur côté fort que dans leur position habituelle. On utilise également plus les défenseurs du côté zougois que genevois et on essaie d’utiliser les 5 joueurs en supériorité numérique, front-man et bumper compris. Ce qui rend Zoug moins prévisible et plus difficile à défendre. L’exécution sera clé et quand elle est au rendez-vous, Zoug possède un des meilleurs PP de la Ligue.
Du côté de Genève, le power-play fonctionne toujours autant, avec une réussite de 29.03% en playoffs et un taux de conversion des tirs de plus de 20% (la moyenne de la Ligue est à un peu plus de 11%). En observant la heatmap pour Genève, on se rend compte que globalement l’équipe tire relativement peu. Cela se voit également dans le Corsi ou les buts anticipés où le GSHC est seulement dixième durant la saison régulière et cinquième durant les playoffs. Comme pour le jeu à 5c5 et comme mentionné dans la présentation de la série face à Zürich, le modèle utilisé sur NL Ice Data semble ne pas capturer toute la qualité du jeu genevois. Le fait que le GSHC axe son jeu principalement sur les « high-danger » passes est une des faiblesses du modèle. La vérité se situe peut-être entre deux.
Finalement, peut-on parler de surperformance pour le GSHC en situations spéciales ? Probablement. Quoi qu’il en soit, la discipline sera peut-être une des clés de cette série.
Projections
L’avantage de réunir Magnus Corsi et NL Ice Data sur ce projet est qu’ils utilisent deux modèles de projections différents. Du côté de Magnus Corsi, on utilise la valeur des joueurs. Du côté de NL Ice Data, on utilise les performances de l’équipe.
Il y a plusieurs façons de calculer la valeur d’un joueur au hockey avec des statistiques « all-in one » comme le Game Score Value Added (GSVA), le WAR ou le GAR. S’il est possible de dériver ces statistiques pour des Ligues possédant plus de données (comme la NHL par exemple), ce n’est pas le cas pour la National League. Thibaud utilise le Win Shares, une statistique qui utilise les performances offensive et défensive des trois dernières saisons pour calculer l’apport d’un joueur en victoires à son équipe sur une saison complète. Dans les tableaux ci-dessous, vous pouvez voir la valeur de chaque joueur ainsi que son rang dans la Ligue.
Le modèle de Thibaud donne Zoug vainqueur à 55,1% dans cette finale. Sept attaquants de l’équipe se situent dans le premier tiers de la ligue (au-delà du 66ème percentile), Gregory Hofmann est même au sommet avec son apport de 3.2 victoires. Et la 4ème ligne est au-dessus du 40ème percentile… Un problème de riches.
En défense, Raphael Diaz est au 98ème percentile, Alatalo au 93ème. Comme en attaque, l’escouade est homogène, avec des Stadler et Geisser qui réalisent d’excellentes playoffs. De plus, remplacer Cadonau par Gross améliorer l’équipe selon le modèle…
Genève possède 8 attaquants au-delà du 50ème percentile, avec trois étrangers de haut vol et un Omark qui a produit comme espéré et partage d’ailleurs le 100ème percentile avec Hofmann. En allant chercher Vermin et Moy en échange de Douay, Maillard, Cajka et Bozon, Gautschi est venu offrir quelques armes supplémentaires à son entraîneur et trois trios offensifs capables de faire la différence. La 4ème ligne demeure toute de même un cran en-dessous et devra se méfier du duel contre leurs équivalents zougois.
En défense, Tömmernes se classe au 99ème percentile et le reste est solide mais un point d’interrogation concernera justement cette première paire Tömmernes-Jacquemet. Employé évidemment à toutes les sauces, le Suédois a semblé survoler la série contre Zürich. Semblé ? Si en surface tout s’est déroulé comme sur des roulettes, le numéro 7 Grenat a joué plus de 25 minutes en moyenne, bloqué des tonnes de tirs. Mais en 50 minutes à 5c5 sur la glace, il a terminé avec un différentiel aux tirs (Corsi) de -15 et seulement 44% des Expected Goals en faveur de Genève. On peut le voir sur le graphique ci-dessous, la paire faisait partie de la moitié des l’équipe Grenat dans le négatif sur cette série. Ce n’est pas rentré pour Zürich mais il faudra espérer pour Genève que Tömmernes contrôle davantage le jeu contre Zoug au lieu de le subir.
Joueurs clés
Manzato ne doit pas exploser en vol. On ne lui demande pas de jouer au même niveau et d’écœurer l’adversaire, mais simplement de garder Genève dans la partie. Mais dans une série de 5, le moindre faux pas coûte cher.
Autant Genève aura besoin de ses individualités (Omark, Winnik, Tömmernes), Zoug pourra toujours se tourner d’un soir à l’autre vers ses multiples atouts. Une chose est certaine, c’est la fin d’un cycle avec les départs de Diaz, Hofmann, Alatalo, etc. Tous auront à cœur (et la pression) d’aller chercher la coupe.
Le Conn Smythe de National League
C’est encore tôt pour le dire et on devra probablement attendre le vainqueur de la série pour savoir dans quelle équipe le meilleur joueur de ces playoffs évolue.
Du côté de Genève, avec ses performances (pourcentage d’arrêts de 97.83%, aucun but encaissé à 5c5, 4 buts sauvés dans sa série contre le Z), Manzato paraît être le favori pour l’instant. Avec 11 points en 8 matchs, dont 7 en power-play, on entend passablement le nom de Tömmernes. Mais le jeu semble se dérouler dans son camp de défense à 5c5 durant ces playoffs, comme mentionné plus tôt. Suffisant ? Ou sera-ce finalement Omark, aka le “fucking playoffs player” ? Il est décisif pour le moment avec 1 but et 9 premiers assists.
Du côté de Zoug, Hofmann, Kovar, Klingberg, Diaz ou Abdelkader ? Dans une équipe qui possède autant de profondeur, il y a passablement de candidats, mais Kovar semble se détacher pour le moment.
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