En avant-saison, les spécialistes voyaient Zürich terminer premier et Genève troisième, derrière Zoug. Ayant terminé respectivement cinquième et sixième en saison régulière, cette demi-finale qui verra s’affronter deux des favoris au titre apparaît donc comme logique par rapport aux attentes de début de saison.
Données favorites de leur série respective lors des quarts de finale, ces deux équipes ont rapidement pu mener 3-1 malgré une défaite lors du premier match de la série. Finalement, Zürich a pu se défaire de Lausanne en six matchs, grâce à son jeu défensif pratiquement irréprochable tout au long de la série et un Waeber très solide à 5c5. Le GSHC a quant à lui dû et pu compter sur ses deux gardiens dans toutes les situations de jeu pour passer l’écueil fribourgeois.
Quelle solution offensive pour Genève ?
Tout au long de sa saison, la solidité défensive des ZSC Lions a été l’une des forces des hommes de Grönborg et n’a cessé de s’améliorer. La zone défensive en majorité bleue dans la heatmap ci-dessus peut en attester. Zürich est l’équipe qui concède le moins de tentatives de tirs et une des équipes qui protège le mieux le slot. Elle est dans le top-4 de la Ligue sur les chances contre en rush (tout tir pris par l’adversaire dans les 3 secondes qui suivent l’entrée en zone offensive), mais aussi dans sa capacité à défendre les passes. Contre Lausanne, l’agressivité en zone défensive a pu constamment repousser les attaques sur le périmètre. Si Lausanne n’avait jamais aussi peu généré sur cette saison 2020/2021, les rares erreurs de la défense zurichoise ont permis à Ludovic Waeber de s’illustrer.
De son côté, Genève est une des équipes de la Ligue qui génère le moins de chances en rush. Malheureusement pour Zürich. En zone offensive, le GSHC crée plutôt ses chances via des passes et notamment dans la zone de danger. Elle est la deuxième équipe à en tenter le plus, mais elle est surtout celle qui voit la plus grande partie de ces passes aboutir sur la palette d’un coéquipier. Comme l’indiquent notamment les recherches de Ryan Stimson, les passes dans cette zone améliorent passablement la probabilité de voir un tir être transformé. Avec des joueurs tels que Richard, Moy, Omark ou Tömmernes, Genève a les joueurs pour compléter ces jeux. Mais l’une des forces défensives de Zürich est également de pouvoir contrer ces chances.
Quelle est donc la solution ? Mettre du trafic devant le gardien ? C’est souvent la solution (trop facile) qu’on peut entendre lorsqu’une équipe ne parvient pas à générer de l’attaque. Non, une des alternatives pour Genève est d’utiliser l’une des faiblesses défensives de Zürich et de varier un peu plus son jeu en laissant le porteur du puck le transporter vers le slot et la zone de danger.
La défense de Genève face à l’armada zurichoise (diminuée ?)
Moins régulière que la défense des ZSC Lions sur la durée de la saison, celle de Genève a alterné le bon et le moins bon, surtout récemment face à Fribourg. Face à quel type de jeu le GSHC devra-t-il se méfier ?
Les chances sur le rush de Zürich. En effet, c’est l’équipe qui en génère le plus cette saison et cela s’est encore vérifié contre Lausanne. Sur les 11 buts marqués à 5c5, 10 l’ont été dans les 5 premières secondes qui ont suivi l’entrée en zone offensive des joueurs zurichois. Seul le but de Berni lors de l’acte II est survenu lors d’une phase de jeu où les ZSC Lions ont pu récupérer le puck en zone offensive.
Malheureusement pour Genève, l’équipe est plus proche des mauvais élèves de la catégorie que des meilleurs. De plus, on a souvent pu entendre sur MySports que le nombre de revirements de l’équipe genevoise était parmi les plus élevés de la Ligue. Il va être intéressant d’observer les ajustements qui seront amenés par Patrick Emond.
Situations spéciales
Durant sa série face aux ZSC Lions, Lausanne a été relativement indiscipliné et a permis à Zürich de se retrouver en moyenne plus de 8 minutes par match en power-play. C’était trop, même face à un Zürich qui ne carburait pas encore à plein régime. Même si le PP% de Zürich est dans la moyenne de la Ligue à 19.37% sur la saison, il est un peu trompeur. Zürich est dans le top-4 des équipes tirant le plus au but et marquant le plus cette saison. L’absence de Pettersson pèse certainement un peu.
En face, Genève possède un des meilleurs box-play de la Ligue, mais a peut-être perdu son meilleur joueur dans cette situation lors du match IV. Je parle évidemment de Gauthier Descloux, probablement le meilleur gardien de la Ligue sur les trois dernières saisons en infériorité numérique, avec un pourcentage d’arrêt de 92.21%. À titre de comparaison, sur la même période, Genoni possède un SV% de 87.28%, Berra de 88.86%, Stephan de 88.79%, Manzato de 85.96% et Waeber de 89.01%. Une différence énorme qui permet à Genève de figurer dans les meilleures équipes de la Ligue dans l’exercice.
Genève possède également un des meilleurs power-play de la Ligue et qui est surtout en feu durant ces playoffs, voire en surchauffe avec une réussite de 28.57%. En observant la heatmap pour Genève, on se rend compte que globalement l’équipe tire relativement peu. Cela se voit également dans le Corsi ou les buts anticipés où le GSHC est seulement dixième durant la saison régulière. En face, Zürich possède également un des meilleurs box-play de la Ligue, limitant également les tentatives de tirs adverses.
Les situations spéciales étant une force pour les deux équipes, difficile de dégager un favori parmi ces deux équipes, mais l’absence de Descloux pourrait peser.
Qui va l’emporter ?
L’avantage de réunir Magnus Corsi et NL Ice Data sur ce projet est qu’ils utilisent deux modèles de projections différents. Du côté de Magnus Corsi, on utilise la valeur des joueurs. Du côté de NL Ice Data, on utilise les performances de l’équipe.
Il y a plusieurs façons de calculer la valeur d’un joueur au hockey avec des statistiques « all-in one » comme le Game Score Value Added (GSVA), le WAR ou le GAR. S’il est possible de dériver ces statistiques pour des Ligues possédant plus de données (comme la NHL par exemple), ce n’est pas le cas pour la National League. Thibaud utilise le Win Shares, une statistique qui utilise les performances offensive et défensive des trois dernières saisons pour calculer l’apport d’un joueur en victoires à son équipe sur une saison complète. Dans les tableaux ci-dessous, vous pouvez voir la valeur de chaque joueur ainsi que son rang dans la Ligue.
Offensivement, Zürich possède 5 attaquants de haut niveau (au-dessus du 66ème percentile) dans l’alignement présenté ici, avec un Andrighetto évidemment dans les hauts du panier avec un apport de 3.1 victoires à son équipe. Malgré quelques absents, on voit que l’effectif possède de la profondeur. Zürich est capable de présenter une équipe où dans le top-12, un seul attaquant ne figure pas au-delà du 40ème percentile. Il s’agit de Wick, qui réalise de bons playoffs jusqu’ici.
Derrière, avec Noreau et Geering, Zürich possède deux défenseurs se classant respectivement dans les 97ème et 90ème percentiles. Quant aux autres membres de la brigade, ils se situent au-delà du 40ème percentile. Seul Noah Meier est en-dessous, mais il n’a pas été utilisé lors de la série face à Lausanne.
Au niveau des gardiens, les performances de Waeber viennent confirmer le choix de Grönborg de le titulariser en playoffs, mais avec Flüeler, l’entraîneur dispose d’une seconde option intéressante au besoin.
Du côté de Genève, l’éventuelle absence de Descloux pourra peser lourd dans le décompte final, car il fait partie des meilleures gardiens de la Ligue, que ce soit à 5c5 ou en infériorité numérique.
En attaque, Genève possède tout de même 8 attaquants au-delà du 50ème percentile, avec trois étrangers de haut vol et un Omark, au 100ème percentile, qui a produit comme espéré. En allant chercher Vermin et Moy en échange de Douay et Bozon, Gautschi est venu offrir quelques armes supplémentaires à son entraîneur et trois trios offensifs capables de faire la différence. C’est au niveau des joueurs de soutien que Zürich paraît cependant mieux équipé.
En défense, Tömmernes se classe au 99ème percentile. Le reste du top-5 est également très solide, se classant au-delà du 66ème percentile. Les absences de Maurer et Mercier sont comblées par deux jeunes défenseurs, qui ont en moyenne joué 6-7 minutes par match lors du premier tour face à Gottéron. Il n’est pas impossible de voir Emond privilégier son top-5 dans une série qui s’annonce à priori plus compliquée que la précédente.
Prédiction
Vous voulez un fun fact ? Thibaud considère que Genève est meilleure que ce que nous dit le modèle de NL Ice Data. Et il n’a probablement (et malheureusement) pas tort. Le fait que le GSHC axe son jeu principalement sur les « high-danger » passes en zone offensive est une des faiblesses du modèle de NL Ice Data, qui axe son calcul principalement sur la position des tirs, sans prendre en compte les passes qui précèdent, faute de données disponibles. Sur NL Ice Data, le GSHC n’est que septième au niveau des chances créées en saison régulière à égalité numérique, et dixième sur l’avantage numérique. Genève est donc probablement sous-évalué par mon modèle.
Si nos deux modèles donnent l’avantage à Zürich, c’est plutôt la magnitude des probabilités qui change. Le modèle de Thibaud voit une série serrée alors que mon modèle voit Zürich passer dans 68.5% des cas. La vérité se situe probablement entre deux, mais les chances de voir un club romand en finale sont bien réelles.